dimanche 3 février 2013

Rétrospective au Grand Palais - Edward Hopper, peintre américain inspiré par sa surdité



Selon le marchand d'art américain Bernard Danenberg, le grand peintre américain a puisé dans son handicap pour peindre la solitude dans la ville, dans le couple autiste, dans la nature immobile et ensoleillée.
Et si le silence était à l'origine de l'œuvre d'Edward Hopper (1882-1967), de son monde solitaire tellement à part et de sa claustrophobie flagrante, de son goût jamais satisfait pour la lumière d'été et de son appel du grand large? 

"Cette surdité partielle m'a depuis toujours paru sous-tendre le choix de ses sujets, les individus qui ne se regardent jamais, expose ce galeriste de 75 ans.

 People in the Sun, 1960

Heureux comme Hopper seul dans ses collines de Cape Cod. Malheureux comme Hopper en ménage avec sa femme, Jo, peintre nerveuse, épouse terre à terre, tempétueuse et jalouse, son unique modèle au corps toujours froid (Morning Sun, 1952), insiste La Toile blanche d'Edward Hopper 

Le peintre de l'ordinaire singulier accentue encore la muraille invisible entre les êtres par une certaine raideur des postures et les lignes de fuite divergentes des regards. 

The Sheridan Theatre, 1937

Dans son icône Nighthawks (1942), l'homme au visage de rapace fume et se tait, accoudé au bar de bois verni. La femme en rouge à ses côtés attend sans le voir ni lui parler, flamme sensuelle et pourtant froide. 

Hotel by a Railroad (1952)


Ce tableau montre un autre de ces «bored couples» chers à Martin Parr, le photographe britannique, acide et moqueur. En marge du dessin qui annonce le tableau, Hopper écrit, inquiétant: «La femme ferait mieux de regarder son mari et les rails sous la fenêtre.»


Gas , 1940

Cette grande huile, vide et désolée, est une des gloires du MoMA de New York. Ni vraiment ville ni vraiment campagne. La lueur jaune sur une nature presque morte est le résumé visuel de la civilisation américaine avec ses stations-service et ses parkings. Route gris foncé, forêt de pins vert foncé (…) Bord de la route, sur un côté, avec herbes hautes de couleur claire, paille devenant rougeâtre (notez la lumière familière et envoûtante de l'enseigne)». L'ambivalence naît du réalisme, voire du vérisme, et de l'aliénation par la lumière.


Morning Sun , 1952

Cette huile profondément nostalgique, venue du Columbus Museum of Art d'Ohio, a, elle aussi, été précédée d'un dessin annoté qui détaille presque la température du corps. Les yeux noircis comme des orbites creuses qui regardent le ciel à travers la fenêtre accentuent le vide existentiel, la solitude éternelle et l'effet de vanité.
Edward Hopper:  Morning Sun , 1952. Edward Hopper: Morning Sun, 1952

Room in New York , 1932

«Peint en atelier à New York. Scène de nuit. Intérieur, murs vert vif, porte en boiserie de chêne, table en chêne. Femme habillée en rouge vif, représentée assise, tête et épaules tournées de côté face au piano, pianotant les touches d'un doigt. Cou et bras nus, peau très blanche, cheveux bruns, profil s'éclipsant dans l'ombre mais joue et cou éclairés», décrit le peintre en marge du dessin préparatoire. Déjà tout un film.
Edward Hopper:  Room in New York  , 1932. Edward Hopper: Room in New York , 1932. Crédits photo : © Sheldon Museum of Art

New York Office , 1962

Les ans ont passé et Hopper revient au bureau à l'américaine, théâtre des fantasmes et des codes. Vu depuis la rue, il n'en est que plus voyeur, mettant toute la lumière crue sur cette femme à la vitrine dont le hiératisme contraste avec les épaules nues. Le mystère de sa fonction demeure, le tableau garde sa clé (Walker Art Center, ­Minneapolis).
Edward Hopper:   New York Office  , 1962. Edward Hopper: New York Office , 1962
 

Office at Night, 1940

«On lit clairement dans l'œuvre de Hopper qu'il aimait le cinéma et que la toile blanche devant laquelle il s'est si souvent tenu dans son atelier lui était familière, était son alliée», souligne le cinéaste allemand Wim Wenders. Presque le même plan, le même mobilier, le même agencement des personnages, la même pose à la fois distante et aguicheuse de la femme trop sculpturale. L'ambiguïté de la scène peinte antérieurement par Hopper renvoie à l'ambiguïté du scénario très freudien de Marnie.
 
Source : Le Figaro

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